Le Livre des Animaux d'Aristote (philosophe grec, -384. -322) est une importante source antique concernant la "connaissance" des animaux. Parfois l'animal fait l'objet de descriptions et comparaisons cocasses.
"Le phoque est une sorte de quadrupède tronqué. Il a des pieds qui tiennent directement à l'omoplate, et ces pieds sont tout comme des mains, (...). Les pieds du phoque ont cinq doigts, (...) ; mais quant à la forme, ils se rapprochent beaucoup de la queue des poissons."
Pour compléter les deux billets précédents, relatifs au scarabée, voici une intéressante interprétation graphique de la fable d'Esope : l'Aigle et l'escarbot. Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) est un peintre célèbre pour ses tableaux animaliers. Les illustrations des fables de La Fontaine,
inspirées de celles d'Esope, lui ont permis de développer son goût pour les dessins d'animaux.
Dans la
Nature, les scarabéidés, insectes trapus
et ailés, pétrissent au printemps un boule d’ordure dans laquelle ils déposent
leurs œufs. Le scarabée égyptien, dit Horus-Apollon, enfouit sa boulette pendant
28 jours : le temps d’une révolution lunaire. Le 29e jour que l’insecte
connaît pour être celui de la conjonction Lune Soleil, il ouvre la boule d’où
sortent les petits scarabées.
Pour les Egyptiens, cet insecte était l’emblème de la Vie sur Terre. Il
apparaît comme l’illuminateur en même temps que le purificateur. Il transforme
les déchets pour donner la vie et est associé au Soleil (sa boulette
est parfaitement circulaire, et le cycle astral régit sa reproduction).
Il est ainsi souvent représenté avec le globe solaire dans ses pattes
antérieures et sa boulette stercoraire (= d’excréments) dans ses pattes
postérieures.
Scarabée du temple d'Edfu.
Bijou de la tombe de Toutânkhamon (musée du Caire /Egypte)
Source : Le bestiaire du Christ. Louis Charbonneau-Lassay. Première
édition 1941. Chapitre 125 : Le scarabée sacré et les coléoptères
scarabéides. pp. 900-909.
Pour un article très détaillé, voir : Le scarabée dans l'Egypte ancienne, origine et signification du symbole. Yves Cambefort. in Revue de l'Histoire des religions. Année 1987. Vol 204. N° 1. pp. 3-45. Article intégralement en ligne sur Persée.
On a toujours besoin d'un plus petit que soi, mais parfois, il ne peut pas vraiment nous aider.
Dans la fable d'Esope, intitulée l'Aigle et l'Escarbot (terme de vieux français qui a donné Scarabée), le Lièvre aurait certainement aimé une aide différente ! Je vous laisse juger :
L'aigle et l'escarbot
"Une aigle
pourchassait un lièvre. Ce dernier comprit qu'il ne pouvait bénéficier d'aucun secours, lorsque le
sort lui fournit sa seule possibilité de salut. En effet, un escarbot était
apparu. Le lièvre se réfugia auprès de lui dans l'attitude du suppliant.
L'escarbot lui donna confiance, et lorsqu'il vit l'aigle fondre tout près, il l'exhorta à ne pas emmener son propre
suppliant. Alors l'aigle,
regardant de haut la petitesse de l'escarbot dévora sous ses yeux le lièvre.
L'escarbot passa désormais sa vie à remâcher sa rancune au sujet de l'aigle, épiant sans cesse l'emplacement
de ses nids. Et s'il arrivait un jour à l'aigle de pondre, l'escarbot roulait les œufs entre ses pattes en
s'élevant dans les airs, et soudain, il les lâchait pour les amener à se briser
au sol. À tel point que l'aigle,
pourchassée de toutes parts, se réfugia auprès de Zeus, car elle est l'oiseau
sacré du dieu.
L'aigle demanda à
ce dernier un endroit pour établir
sa ponte en sécurité. Alors Zeus lui permit de faire ses oeufs dans les plis de
son vêtement, en son giron. L'escarbot, ayant vu cela, fabriqua une boulette
d'excréments et se l'attacha à lui-même; parvenant en cet équipage, par le vol,
jusqu'aux plis du vêtement de Zeus, il fit tomber en cet endroit même sa
boulette. Alors Zeus, en voulant faire choir l'excrément par une secousse infligée
au tissu, se releva, et ne se rendit pas compte qu'il faisait tomber les œufs.
Depuis ce temps-là, on a coutume de dire qu'au moment même où les escarbots
apparaissent dans l'année les aigles s'abstiennent de pondre. Ce 'dit' apprend
à ne jamais mépriser personne, en calculant qu'il n'est point d'être aussi
faible qu'il ne puisse tirer un jour vengeance de ce qu'on l'avait traîné dans
la boue.
La symbolique de l’insecte dans les fables d’Esope : quoi de plus
éloignéde l’homme qu’un insecte et aussi quoi de plus semblable ? par Marie-Claude
CHARPENTIER et Sylvie VILATTE
Ce qui suit est un résumé de cet article.
Analyse du récit :
La récit, dans la
fable antique correspond à une construction bien déterminée, que je noterai ici
en vert, qui nous fait passer du monde animal au domaine des hommes. De fait naturel, en phénomène d'anthropisation qui créent une rupture par rapport au réel, on revient ensuite à un état considéré comme normal.
L'histoire commence par un fait naturel :
un aigle chasse un lièvre.
Analyses des
symboles : l’aigle, animal aérien, emblème de Zeus, chasse un lièvre
animal terrien, qui vit sur et dans la terre. Jusqu’ici tout
est normal, même si d’emblée, le plus fort est annoncé. L’aigle est plus
puissant et le lièvre n’a pas de terrier en vue ! Apparaît un
scarabée bousier (l’escarbot). Jusqu’ici, rien d’anormal, le fait reste possible dans la
Nature.
Mais le lièvre
acculé, parle et supplie le bousier de le sauver ! On passe dans le domaine des hommes = Phénomène d’anthropisation = Rupture avec le
réel. Premier phénomène
invraisemblable : les animaux prennent alors des attitudes humaines et contraires
à l’ordre des choses dans la Nature. Le Lièvre, proie de l’aigle, se place sous
la protection d’un scarabée bousier, un insecte bien plus faible, qui intercède pour sa
survie. La bonne foi et le respect des rites doit, dans l’esprit du bousier, l’emporter
sur la violence animale de l’aigle. Deuxième
phénomène invraisemblable : le bousier détruit systématiquement les œufs de
l’aigle. Quand ? Où ? On ne le sait pas. Cette intemporalité semble
mettre en péril l’espèce même de l’aigle qui n’a d’autre issue que de se
réfugier auprès du Dieu des Dieux.
Retour à l’ordre naturel :
Zeus, Dieu des Dieux, n’intervient que lorsque le bousier dépose sur lui sa
boulette d’excrément… A partir de ce moment, tout reprend sa place : des œufs
d’aigle ne peuvent rester dans le giron de Zeus, encore moins une boulette de
bousier… En conséquence,
les aigles ne pondront que lors des périodes d’hibernation des bousiers.
En conclusion, l’aigle,
symbole de puissance aveugle qui n’a pas reconnu le caractère sacré de l’escarbot
est contraint de s’adapter à sa volonté, régie par le rythme naturel des
saisons. Il sauve son espèce par défaut, parce que l’escarbot ne peut pas lui
nuire en période hivernale. Le lièvre, lui, avait
reconnu le pouvoir de l’escarbot. Pourquoi n’a-t-il pas été sauvé ? Parce qu’il a voulu échappé à la Nature alors qu'il est une proie naturelle pour l'aigle… et dans
toutes les fables grecques, le retour à l’ordre naturel est une nécessité !
Grâce au temps pluvieux de ce jour, j'ai testé une troisième reproduction des dessins de Morikuni. Un cheval à terre, renversé. Le mouvement donné au corps est remarquable (dans l'ouvrage original :.)). Le jeu des pattes opposées accentue cette très esthétique torsion.
La broderie de Bayeux (ce n'est pas, techniquement, une tapisserie, comme le mentionnent souvent les articles de vulgarisation) constitue non seulement un témoignage extraordinaire de la bataille d'Hastings de 1066 mais également un précieux exemple de représentation des fables antiques dans un ouvrage médiéval. La broderie a été réalisée peu de temps après la bataille. Elle illustre essentiellement les événements qui ont précédé le conquête de Guillaume en Angleterre. Ces faits sont représentés dans la bande centrale. En haut et en bas, deux frises complètent la narration : tantôt purement décoratives (animaux affrontés, dragons...), tantôt illustrant une fable dont la valeur morale est à mettre en rapport avec l'épisode de la narration.
Dans ce détail, le "corbeau et le renard" et le "loup et l'agneau" accompagnent Harold, aux intentions fourbes et belliqueuses : il convoitait le trône, alors qu'il avait été envoyé par le roi d'Angleterre en Normandie pour annoncer à Guillaume le Conquérant que ce dernier devait bientôt lui succéder...
Guillaume déjouera cette supercherie et l'emportera à Hastings : la raison du plus fort est toujours la meilleure.
L.Herrmann, Les Fables antiques de la Broderie de Bayeux, Latomus, Bruxelles, 1964
Voici un ouvrage passionnant, qui présente non seulement des animaux fabuleux (dragons, licornes...) mais aussi les raisons de la persistance des monstres à travers les âges et l'origine des Bestiaires. Les exemples tirés de la Préhistoire à l'époque contemporaine sont accompagnés de riches illustrations.
Ariane et
Christian Delacampagne, Animaux étranges et fabuleux, un bestiaire fantastique
dans l'art, Citadelles & Mazenod, 2003, 200 p., 184 ill., ISBN
: 2-85088-197-X. 49 euros.
Tachibana Morikuni et Ooka Shunboku sont des artistes japonais du XVIIIe siècle. Ils ont reproduit, dans un ouvrage paru en 1761, des estampes d'artistes japonais et chinois des XVIe et XVIIe siècles. C'est avec le procédé de la gravure sur bois que ces deux artistes ont tenté de rendre au mieux l'effet original des peintures à l'encre de leurs ancêtres. Un album publié en 2007 (source citée ci-dessous) présente quelques planches de ces artistes, de différents styles, et constitue une véritable invitation à imiter ces maîtres !
Je n'ai pas résisté !
Voici un chaton et un cheval, inspirés de cet album, peints à la gouache...
Source : Esquisses Au Fil Du Pinceau - Tachibana Morikuni ; Ooka Shunboku. Editions Philippe Picquier. Octobre 2007. ISBN : 978-2-87730-971-4