L'aigle et l'escarbot : fable d'Esope
On a toujours besoin d'un plus petit que soi, mais parfois, il ne peut pas vraiment nous aider.
Dans la fable d'Esope, intitulée l'Aigle et l'Escarbot (terme de vieux français qui a donné Scarabée), le Lièvre aurait certainement aimé une aide différente ! Je vous laisse juger :
L'aigle et l'escarbot
"Une aigle
pourchassait un lièvre. Ce dernier comprit qu'il ne pouvait bénéficier d'aucun secours, lorsque le
sort lui fournit sa seule possibilité de salut. En effet, un escarbot était
apparu. Le lièvre se réfugia auprès de lui dans l'attitude du suppliant.
L'escarbot lui donna confiance, et lorsqu'il vit l'aigle fondre tout près, il l'exhorta à ne pas emmener son propre
suppliant. Alors l'aigle,
regardant de haut la petitesse de l'escarbot dévora sous ses yeux le lièvre.
L'escarbot passa désormais sa vie à remâcher sa rancune au sujet de l'aigle, épiant sans cesse l'emplacement
de ses nids. Et s'il arrivait un jour à l'aigle de pondre, l'escarbot roulait les œufs entre ses pattes en
s'élevant dans les airs, et soudain, il les lâchait pour les amener à se briser
au sol. À tel point que l'aigle,
pourchassée de toutes parts, se réfugia auprès de Zeus, car elle est l'oiseau
sacré du dieu.
L'aigle demanda à ce dernier un endroit pour établir sa ponte en sécurité. Alors Zeus lui permit de faire ses oeufs dans les plis de son vêtement, en son giron. L'escarbot, ayant vu cela, fabriqua une boulette d'excréments et se l'attacha à lui-même; parvenant en cet équipage, par le vol, jusqu'aux plis du vêtement de Zeus, il fit tomber en cet endroit même sa boulette. Alors Zeus, en voulant faire choir l'excrément par une secousse infligée au tissu, se releva, et ne se rendit pas compte qu'il faisait tomber les œufs. Depuis ce temps-là, on a coutume de dire qu'au moment même où les escarbots apparaissent dans l'année les aigles s'abstiennent de pondre. Ce 'dit' apprend à ne jamais mépriser personne, en calculant qu'il n'est point d'être aussi faible qu'il ne puisse tirer un jour vengeance de ce qu'on l'avait traîné dans la boue.
Source : Article intégralement en ligne sur Anthropozoologica. 2001. N° 33-34.
La symbolique de l’insecte dans les fables d’Esope : quoi de plus
éloignéde l’homme qu’un insecte et aussi quoi de plus semblable ? par Marie-Claude
CHARPENTIER et Sylvie VILATTE
Ce qui suit est un résumé de cet article.
Analyse du récit :
La récit, dans la
fable antique correspond à une construction bien déterminée, que je noterai ici
en vert, qui nous fait passer du monde animal au domaine des hommes. De fait naturel, en phénomène d'anthropisation qui créent une rupture par rapport au réel, on revient ensuite à un état considéré comme normal.
L'histoire commence par un fait naturel :
un aigle chasse un lièvre.
Analyses des
symboles : l’aigle, animal aérien, emblème de Zeus, chasse un lièvre
animal terrien, qui vit sur et dans la terre.
Mais le lièvre
acculé, parle et supplie le bousier de le sauver ! On passe dans le domaine des hommes = Phénomène d’anthropisation = Rupture avec le
réel.
Retour à l’ordre naturel :
Zeus, Dieu des Dieux, n’intervient que lorsque le bousier dépose sur lui sa
boulette d’excrément… A partir de ce moment, tout reprend sa place : des œufs
d’aigle ne peuvent rester dans le giron de Zeus, encore moins une boulette de
bousier…
En conclusion, l’aigle,
symbole de puissance aveugle qui n’a pas reconnu le caractère sacré de l’escarbot
est contraint de s’adapter à sa volonté, régie par le rythme naturel des
saisons. Il sauve son espèce par défaut, parce que l’escarbot ne peut pas lui
nuire en période hivernale.